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- Numéro 17
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La dyskinésie scapulaire n'est pas un facteur de risque isolé d'atteinte de l'épaule chez les athlètes : revue systématique et méta-analyse
POINTS CLÉS
- Les résultats de cette revue démontrent l'hypothèse émergente selon laquelle la dyskinésie scapulaire pourrait simplement représenter le spectre d'une variation cinématique normale.
- L'implication clé pour les clinicien·ne·s travaillant avec une population athlétique est que l'utilisation d'un test de dyskinésie scapulaire dynamique isolé pour identifier les athlètes à risque de blessure à l'épaule n'est pas étayée par les preuves actuelles.
- Les études futures devraient viser à adopter une approche plus large de l'évaluation des facteurs de risque de blessure à l'épaule en mesurant la charge d'entrainement et les variables psychosociales avec des mesures de déficience, telles que la dyskinésie scapulaire, pour évaluer les associations multivariables entre ces facteurs et les atteintes de l'épaule.
CONTEXTE ET OBJECTIFS
Les blessures à l'épaule représentent jusqu'à 20 % des blessures dans tous les sports de compétition. 75 % des blessures à l'épaule sont récurrentes et peuvent induire une absence prolongée dans le sport pratiqué (1). Des blessures plus graves justifiant une intervention chirurgicale peuvent entrainer une absence prolongée ou un retour partiel aux performances de compétition antérieures.
L'effet d'une blessure à l'épaule justifie une investigation sur les facteurs prédisposants qui pourraient être ciblés pour réduire le risque de blessure à l'épaule. De nombreuses études ont examiné les facteurs de risque de blessures à l'épaule chez les athlètes, tels que les changements dans la charge d'entrainement, la diminution de la force musculaire des rotateurs externes d'épaule, les déficits d'amplitudes de mouvement et la dyskinésie scapulaire (2-6). Cependant, les résultats des études précédentes sont inconstants.
Il a été suggéré qu'un minimum de 200 blessures est nécessaire pour détecter avec certitude des facteurs de risque faibles à modérés (7). Avec ce seuil à l'esprit, de nombreuses études sur les facteurs de risque de blessures à l'épaule sont susceptibles d'avoir un manque de puissance statistique. De ce fait, des synthèses secondaires utilisant des méta-analyses sont nécessaires pour fournir une puissance statistique suffisante. Le but de cette étude était de déterminer si la dyskinésie scapulaire augmente le risque de blessure d'épaule chez les athlètes.
Les preuves actuelles ne soutiennent pas l'utilisation d'un test de dyskinésie scapulaire dynamique isolé pour identifier les athlètes à risque de blessure d'épaule.
MÉTHODE
La conception de cette étude était une revue systématique et une méta-analyse menées conformément aux directives PRISMA (Preferred Reporting Items for Systematic Reviews and Meta-Analyzes) et à un protocole préenregistré de conception de l'étude. Les mots-clés de recherche ont été catégorisés à l'aide d'un PICO modifié (Population, Intervention, Comparaison et Outcome [résultats]) avec des termes relatifs aux athlètes, à la dyskinésie scapulaire et aux douleurs ou blessures à l'épaule. Les bases de données MEDLINE, CINAHL Plus, SPORTDiscus et Embase ont été utilisées.
Les données ont été extraites directement des études dans la mesure du possible par deux auteur·rice·s différent·e·s, et les désaccords sur la pertinence ont été modérés par un·e troisième auteur·rice. Après avoir consulté les bases de données, les articles listés et appliqué les critères d'inclusion / exclusion, 7 études de cohorte prospectives ont été jugées éligibles à l'inclusion. Les études comprenaient une proportion plus élevée de sujets masculins, âgé·e·s de 14 à 37 ans avec des niveaux disparates : haut niveau, loisir, pratiquant·e au lycée. Un total de 1319 participant·e·s ont été inclus·e·s, dont 1065 étaient présent·e·s au suivi et inclus·e·s dans les analyses intra-étude.
RÉSULTATS
La prévalence de la dyskinésie scapulaire variait de 22 % à 56 % (la majorité des études évaluaient la dyskinésie scapulaire selon le protocole de notation trichotomique de McClure et al.). Une étude avec des joueurs de rugby présentait la plus faible prévalence de dyskinésie scapulaire, et les études comprenant des joueurs de handball avaient la prévalence la plus élevée de dyskinésie scapulaire. La plupart des études incluses présentaient des taux de blessures compris entre 20 % et 30 % ; cependant, une étude avait un taux de blessures particulièrement bas de 3,6 % et une avait un taux de blessures d'épaule relativement élevé de 40 % chez les joueurs de rugby (blessures principalement attribuées à des collisions avec d'autres joueurs). Les résultats des études relatives à l'association entre la dyskinésie scapulaire et les blessures à l'épaule ont été mélangés avec une étude montrant une relation assez forte, tandis que les 6 autres n'ont montré aucune relation claire.
Les données regroupées pour la méta-analyse ont permis de rassembler 212 blessures à l'épaule chez 923 participant·e·s. Un contrôle scapulaire normal a été observé chez 54 % des participant·e·s et 21 % de ces athlètes ont développé une blessure à l'épaule. La dyskinésie scapulaire était présente chez 46 % des participant·e·s, et ces athlètes avaient un taux de blessures à l'épaule légèrement plus élevé de 25 %. De plus, l'analyse avec ou sans l'inclusion des joueurs de rugby n'a eu aucun effet sur les résultats finaux de l'étude.
LIMITES
L'une des limites de cette revue était que la méta-analyse examinait la dyskinésie scapulaire de manière isolée. Par conséquent, cette revue n'a pas été en mesure d'identifier s'il y avait des effets d'interaction entre la dyskinésie scapulaire et d'autres facteurs de risque potentiels de blessure à l'épaule, tels que la force de rotation externe ou une augmentation de la charge d'entrainement. Il reste possible que l'utilisation d'un test de dyskinésie scapulaire dynamique puisse être utile lorsqu'il est inclus dans le dépistage multifactoriel des risques de blessure à l'épaule.
IMPLICATIONS CLINIQUES
Les résultats de cette étude ont démontré une légère tendance de la dyskinésie scapulaire à augmenter le risque de blessure d'épaule sans être cependant statistiquement significatifs. Sans résultats statistiquement significatifs, la pertinence clinique est encore moins probable.
Il convient de noter que la définition de blessure n'était pas constante dans les études incluses, ce qui peut avoir biaisé les tendances observées. Les données obtenues à partir de trois études avaient des seuils particulièrement sensibles pour les blessures, où toute modification détectée des critères d'évaluation engendrait un reclassement de l'athlète dans la catégorie blessé. La définition opérationnelle de la blessure est souvent débattue et la distinction entre blessure et l'absence de blessure est fortement influencée par la mesure utilisée pour désigner une blessure.
En résumé, les résultats de cette revue indiquent que les preuves actuelles ne soutiennent pas l'utilisation d'un test de dyskinésie scapulaire dynamique isolé pour identifier les athlètes à risque de blessure d'épaule. Lors de la détermination du risque de blessure, les clinicien·ne·s doivent faire preuve de prudence lorsqu'ils·elles établissent un pronostic concernant un·e athlète. Si l'on s’affaire à prédire/pronostiquer l'apparition d'une blessure, on se doit de recourir à un processus d'évaluation multimodal. Ce processus peut inclure ou non une évaluation de la biomécanique scapulaire, mais devrait également inclure une évaluation approfondie des antécédents de blessures, des facteurs psychosociaux, de la qualité du sommeil, de la charge d'entrainement, des antécédents d'entrainement, de la récupération, etc.
+RÉFÉRENCES
RÉFÉRENCES CITÉES
- Dakic JG, Smith B, Gosling CM, Perraton LG. Musculoskeletal injury profiles in professional Women’s Tennis Association players. Br J Sports Med. 2017;52:723-729.
- Andersson SH, Bahr R, Clarsen B, Myklebust G. Risk factors for overuse shoulder injuries in a mixed-sex cohort of 329 elite handball players: previous findings could not be confirmed. Br J Sports Med.2017;51(51):286-287.
- Clarsen B, Bahr R, Andersson SH, Munk R, Myklebust G. Reduced glenohumeral rotation, external rotation weakness and scapular dyskinesis are risk factors for shoulder injuries among elite male handball players: a prospective cohort study. Br J Sports Med. 2014;48(17): 1327-1333.
- Kawasaki T, Yamakawa J, Kaketa T, Kobayashi H, Kaneko K. Does scapular dyskinesis affect top rugby players during a game season? J Shoulder Elbow Surg. 2012;21(6):709-714.
- Hickey D, Solvig V, Cavalheri V, Harrold M, McKenna L. Scapular dyskinesis increases the risk of future shoulder pain by 43% in asymptomatic athletes: a systematic review and meta-analysis. Br J Sports Med. 2017;52:102-110.
- Wilk KE, Macrina L, Fleisig GS, et al. Deficits in glenohumeral passive range of motion increase risk of shoulder injury in professional baseball pitchers: a prospective study. Am J Sports Med. 2015;43(10): 2379-2385.
- Bahr R, Holme I. Risk factors for sports injuries—a methodological approach. Br J Sports Med. 2003;37(5):384-392.