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- Numéro 50
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Le test de lever sur une jambe reflète-t-il la force des quadriceps chez les personnes ayant subi une reconstruction du ligament croisé antérieur ?
POINTS CLÉS
- Le test de lever sur une jambe pourrait être un moyen abordable et accessible de mesurer la force des quadriceps.
- La force des quadriceps (telle que mesurée par le test isométrique) s’atténue avec un plus grand nombre de levers sur une jambe.
- La performance au test de lever sur une jambe peut être influencée par d’autres facteurs que la force (par exemple, la motivation intrinsèque).
CONTEXTE ET OBJECTIFS
De nombreuses recherches établissent un lien entre la force des quadriceps et les critères de jugement rapportés par les patient·e·s (1), le risque de nouvelle blessure (2) et le développement de l’arthrose du genou (3) à la suite d’une reconstruction du ligament croisé antérieur (RLCA). Il n’est donc pas surprenant que l’un des piliers de la rééducation à la suite d’une RLCA soit de guider les patient·e·s pour qu’iels retrouvent la force de leurs quadriceps.
Dans un monde idéal, les patient·e·s subissent régulièrement des tests avec un dynamomètre isocinétique, la référence pour mesurer la force des quadriceps. Comme de nombreux clinicien·ne·s n’ont pas accès à un dynamomètre isocinétique, iels peuvent choisir de mesurer la force des quadriceps à l’aide de tests de répétition maximale sur une machine d’extension du genou, de dynamomètres portatifs ou de tests de saut.
Toutefois, ces alternatives présentent également des limites. Les machines d’extension du genou et les dynamomètres manuels sont onéreux et les tests de saut peuvent être influencés par d’autres facteurs que la force (par exemple, la peur du mouvement). Un moyen accessible et peu coûteux de mesurer la force des quadriceps pourrait être le test de lever sur une jambe.
Cette étude transversale a examiné la validité du test de lever sur une jambe en tant que mesure de la force des quadriceps par rapport à la dynamométrie isocinétique chez des personnes ayant subi une RLCA.
Le test de lever sur une jambe est un bon complément à votre batterie de tests.
MÉTHODE
Cette étude a évalué les 50 premières femmes et les 50 premiers hommes participant à l’essai SUPER-Knee (Supervised exercise-therapy and Patient Education Rehabilitation). Les participant·e·s ont été inclus·e·s s’iels avaient subi une RLCA entre 9 et 36 mois avant le début de l’étude, s’iels étaient âgé·e·s entre 18 et 40 ans au moment de l’opération, s’iels ne faisaient pas de kinésithérapie pour leur genou et si celui-ci était encore « symptomatique ». Un genou symptomatique était défini comme ayant un score KOOS4 inférieur à 80/100 (Knee injury and Osteoarthritis Outcome Score-4 ; score moyen des sous-échelles douleur, symptômes, fonction dans le sport/les loisirs et qualité de vie).
Pour effectuer le test de lever sur une jambe (4), les participant·e·s s’asseyaient sur le bord d’un socle. La hauteur du socle a été réglée de manière à ce que l’angle du genou testé soit de 90º. Les participant·e·s tenaient leurs bras croisés sur leur poitrine, avec leur jambe non testée décollée du sol. Il leur était demandé de « se lever et de s’accroupir en touchant légèrement le socle » autant de fois que possible. Un métronome était réglé sur 45 bpm (un temps en haut, un temps en bas) pour s’assurer que les participant·e·s effectuaient les levers sur une jambe à un rythme constant. Voir la vidéo pour la démonstration du test.
Le test s’est arrêté lorsque les participant·e·s n’arrivaient plus à effectuer des levers sur une jambe ou après qu’ils aient reçu trois avertissements pour non respect du protocole de test (par exemple, toucher le sol avec la jambe non testée, ne plus arriver à suivre le rythme du métronome, atterrir de manière incontrôlée sur le socle). Le nombre de levers sur une jambe a été enregistré et les participant·e·s ont été interrogé·e·s sur ce qui les empêchait de continuer (fatigue, équilibre, etc.). Une pause de trois minutes était prévue entre le test du côté gauche (toujours testé en premier) et celui du côté droit.
La force des quadriceps a également été mesurée de manière isométrique à 60º de flexion du genou à l’aide d’un dynamomètre isocinétique. Les participant·e·s ont effectué trois essais d’effort maximal sur chaque jambe avec un repos de 60 secondes entre les essais. La douleur au genou lors du lever sur une jambe et des tests isométriques de force des quadriceps a été évaluée sur une échelle visuelle analogique de 100 mm (0 = pas de douleur, 100 = douleur extrême).
RÉSULTATS
L’âge moyen (écart-type, SD) des 100 participant·e·s était de 30 (6) ans et le temps médian (écart interquartile, IQR) depuis l’opération était de 31 (24-35) mois. Le score KOOS4 moyen (SD) était de 64,1 (12,5) sur 100.
Au test de lever sur une jambe, les participant·e·s présentaient des scores médians (IQR) de 13 (9-20) pour le membre ayant subi la RLCA et de 17 (11-24) pour leur membre controlatéral, soit un indice moyen (SD) de symétrie des membres de 85 % (36 %). Lors du test de force isométrique des quadriceps, le pic de couple moyen (SD) était de 2,09 (0,53) Nm/kg sur le membre ayant subi la RLCA et de 2,33 (0,58) Nm/kg sur le membre controlatéral, soit une symétrie moyenne (SD) du membre de 90 % (12 %). Une douleur minime (médiane 10/100) a été rapportée pour l’un ou l’autre test.
Une relation non linéaire a été observée entre la performance du lever sur une jambe et la force isométrique des quadriceps où le taux d’augmentation de la force des quadriceps s’est atténué avec des scores plus élevés au test de lever sur une jambe (voir figure 1). Cette relation a été observée à la fois pour le membre ayant subi la RLCA et le membre controlatéral.
LIMITES
Les auteur·e·s de cet article notent que la fiabilité inter-évaluateur et intra-évaluateur du test sur une jambe n’a pas été formellement mesurée, mais que des formations adéquates et des contrôles de fidélité biannuels ont été intégrés au protocole de l’étude afin de minimiser la variabilité entre les évaluateurs·trices. En outre, d’autres facteurs, qui n’ont pas été pris en compte dans l’analyse des données, peuvent avoir un impact sur la performance du test de lever sur une jambe, tels que l’équilibre, la force d’autres groupes musculaires (par exemple, les fessiers) et la motivation intrinsèque.
Une autre limite est la comparaison du test de lever sur une jambe avec une mesure isométrique de la force des quadriceps. Une comparaison avec la véritable référence de la force isocinétique des quadriceps aurait peut-être été plus pertinente, surtout si l’on considère que le test de lever sur une jambe se veut une mesure de substitution de la force des quadriceps à travers une amplitude de mouvement définie.
IMPLICATIONS CLINIQUES
Lors de la mesure de la force des quadriceps après une blessure ou une opération du LCA, le test de lever sur une jambe pourrait être une alternative abordable au test de force isocinétique. Le principal avantage du test de lever sur une jambe est qu’il nécessite peu d’équipement : un socle réglable, un goniomètre et un métronome. La plupart des centres de rééducation sont susceptibles de disposer de ces équipements et de nombreuses applications gratuites de métronome sont disponibles sur smartphone.
Cependant, nous devons avoir conscience des limites du test de lever sur une jambe. Selon les résultats de cette étude, la relation entre la force des quadriceps et la performance du lever sur une jambe commence à s’atténuer avec la réalisation d’un plus grand nombre de levers sur une jambe. En d’autres termes, des facteurs autres que la seule force des quadriceps (par exemple, la motivation intrinsèque) peuvent expliquer les scores « plus élevés » des patient·e·s.
Dans l’ensemble, le test de lever sur une jambe est un bon complément à votre batterie de tests, mais vous devriez quand même évaluer la force des quadriceps (et d’autres muscles) de plusieurs façons. Par exemple, les tests de saut sont associés à la force des quadriceps (même s’ils sont influencés par la peur de se blesser à nouveau) et sont recommandés dans le cadre des tests de retour au sport pour évaluer la fonction globale du genou.
+RÉFÉRENCES
RÉFÉRENCES CITÉES
- Lepley LK. Deficits in Quadriceps Strength and Patient-Oriented Outcomes at Return to Activity After ACL Reconstruction: A Review of the Current Literature. Sports Health. 2015;7(3):231-8. 10.1177/1941738115578112
- Grindem H, Snyder-Mackler L, Moksnes H, Engebretsen L, Risberg MA. Simple decision rules can reduce reinjury risk by 84% after ACL reconstruction: the Delaware-Oslo ACL cohort study. Br J Sports Med. 2016;50(13):804-8. 10.1136/bjsports-2016-096031
- Culvenor AG, Ruhdorfer A, Juhl C, Eckstein F, Øiestad BE. Knee extensor strength and risk of structural, symptomatic, and functional decline in knee osteoarthritis: a systematic review and meta-analysis. Arthrit Care Res. 2017;69(5):649-58. 10.1002/acr.23005
- Culvenor AG, Collins NJ, Guermazi A, Cook JL, Vicenzino B, Whitehead TS, et al. Early patellofemoral osteoarthritis features one year after anterior cruciate ligament reconstruction: symptoms and quality of life at three years. Arthrit Care Res. 2016;68(6):784-92. 10.1002/acr.22761