Comment évaluer les traumatismes du plexus brachial
Introduction
Si vous travaillez dans des sports de contact tels que le rugby, vous avez probablement déjà entendu parler des traumatismes du plexus brachial. Vous êtes sur le banc, vous regardez le joueur faire un gros tacle (ou se faire tacler) mais il ne se relève pas. Comme dans une scène d’alerte à Malibu, vous accourez pour sauver la situation. Mais le joueur vous rassure rapidement « ne t’inquiète pas, c’est juste un coup ». Fiou, pas de pronostic vital engagé, vous pouvez respirer.
Enfin, pouvez-vous vraiment être soulagé ? Comment savez-vous que « ce n’est qu’un coup » ? Comment le définissez-vous ? Ce sont des questions que je me suis posées quand j’ai commencé à travailler auprès des équipes de sportifs, et honnêtement, je ne connaissais pas les réponses. Par conséquent, le but de ce blog est de vous éclairer sur les traumatismes du plexus brachial, que vous pourrez rencontrer sous le terme de « stinger » ou « burner ». Nous verrons les définitions, l’anatomie, les mécanismes de blessure et les tableaux cliniques, ainsi que l’évaluation sur le terrain.
Définitions
Les stingers sont un type de neurapraxie du plexus brachial et/ou des racines nerveuses cervicales ; ce sont des lésions nerveuses périphériques réversibles. Ils sont typiquement caractérisés par la présence de sensations de brûlure unilatérales, irradiant dans le bras/la main, pendant quelques secondes à quelques heures. Quelques fois, les symptômes peuvent être des troubles moteurs et sensitifs, qui durent de 24 heures à 6 semaines. Sur 569 joueurs de rugby de sexe masculin, 21 % ont rapporté avoir ressenti un stinger pendant la saison, 34 % ont dit en avoir déjà eu par le passé, et 76 % des stingers relevés sont apparus au cours d’actions de tacle. (1) Cependant, à cause de leur caractère transitoire et de l’absence de signe visible, il est probable qu’ils soient nettement plus fréquents.
L’équipe médicale de terrain évalue souvent en premier le stinger. Par conséquent, comprendre l’anatomie et le mécanisme de blessure (MDB) est crucial.
Anatomie
Le plexus brachial est le groupe de nerfs passant par le cou, l’épaule et le creux axillaire, dérivé de racines distales du rachis cervical. Il comprend les nerfs périphériques C5-T1, traverse l’épaule ; il se divise en racines, troncs, divisions, cordes et branches. Les axones qui parcourent le plexus innervent et procurent des sensations à tous les muscles des membres supérieurs. Savoir quel muscle est innervé par quoi est essentiel pour le clinicien afin de localiser la lésion (2). Regardez la figure 1 de représentation du plexus brachial ci-dessous.
Mécanisme de blessure
Les stingers au rugby sont souvent rapportés pendant les actions de tacle, lors des matchs ou entrainement. Il y a 3 mécanismes par lesquels un stinger peut se produire (3) :
- A) Une lésion en traction du plexus brachial due à un angle cou-épaule accru. Imaginez le porteur de balle courant rapidement vers son adversaire. L’adversaire le tacle, ce qui implique une descente de l’épaule homolatérale, et une flexion controlatérale du cou au point d’impact. Il y a toujours un risque de traction dans ce mécanisme, comme dans les tacles qui génèrent des forces jusqu’à 1500 N.
- B) Compression directe par un coup, au plexus brachial au point d’Erb (le point le plus superficiel du plexus où les racines C5 et C6 se rejoignent pour former un faisceau). Dans une mêlée, imaginez les forces à travers le cou et l’épaule ainsi que l’emplacement anatomique du point d’Erb.
- C) Compression de la racine nerveuse causée par une inclinaison homolatérale ou une hyperextension du cou. Encore une fois, imaginez le porteur de balle et l’adversaire qui fait le tacle. Cependant, cette fois le plaqueur met la tête du mauvais côté du porteur du ballon. Ceci peut causer une flexion/extension cervicale extrême pouvant engendrer une lésion des racines nerveuses.
Figure 2 (Bowles et al., 2020)
La physiopathologie
Pour les besoins de ce blog, nous décrirons le MDB en utilisant le système de classification de Seddon et Sunderland (3). Les symptômes aigus de stinger peuvent être classés en trois catégories de lésions nerveuses périphériques :
Grade 1 : neurapraxie
Atteinte fonctionnelle du nerf, l’intégrité axonale est préservée et le tissu conjonctif est intact. Les dommages à la myéline sont décrits comme incapables de conduire des potentiels d’action menant à des symptômes transitoires moteurs ou sensoriels. Il s’agit du grade le plus fréquent, et peut se rétablir en quelques minutes à 2 semaines selon certaines recherches.
Grade 2 : axonotmesis
La portion de l’axone distale du site de la lésion dégénère (dégénérescence Wallerienne), et ses fibres musculaires perdent leur innervation et stimuli trophiques, engendrant une amyotrophie liée au mécanisme de dénervation. Le pronostic est difficile avec ces cas où certains guérissent spontanément et d’autres ont de moins bons résultats.
Grade 3 : neurotmesis
Lésion permanente ou section complète du nerf. La myéline, les axones et les tissus conjonctifs sont touchés. Les muscles perdent leur innervation, subissent une atrophie sévère et une perte de fonction. Ce sont des atteintes catastrophiques des racines cervicales, qui sont peu fréquentes mais se produisent tout de même. Rob Horne, un ancien joueur de rugby australien en est un exemple : il a dû prendre sa retraite suite à une lésion de certaines racines nerveuses ayant engendré une paralysie complète de son bras droit (4).
Présentation clinique
Depuis le banc de touche, vous avez peut-être observé un des MDB précédemment évoqués. À ce stade, les joueurs peuvent se présenter de différentes manières. Parfois, ils sont légèrement penchés, avec le bras touché soutenu par le bras sain. Le cou peut être fléchi du côté de la blessure, et ils secouent parfois leurs mains ou ramènent leur menton près du sternum pour se soulager. Ci-dessous se trouve un tableau des symptômes à connaître.
Mise en garde
Une grande partie du diagnostic d’un stinger provient des symptômes subjectifs de l’athlète. Cela met le clinicien dans une position délicate, les symptômes étant souvent moins rapportés. Le demi de mêlée de l’Irlande et du Munster Rugby, Conor Murray, a souffert d’un stinger lors de la première mi-temps contre le Pays de Galles en 2017. Il a poursuivi le match, mais a présenté plusieurs stingers pendant les mois suivants, avec des faiblesses, des douleurs aiguës, des sensations de piqûres et une perte de sensibilité dans le bras. Avec le recul, que feriez-vous dans cette situation ?
Prise en charge immédiate sur le terrain
La prise en charge initiale des patients souffrant de stingers dans les sports de contact est la même que la prise en charge de tout patient traumatisé avec une blessure potentielle au rachis cervical. Pour l’équipe médicale, la priorité est de vérifier que les blessures du joueur n’engagent pas le pronostic vital. Par conséquent, votre méthode doit comprendre un processus de soins standardisé s’assurant que les voies aériennes sont libres, que la respiration est normale ainsi que la circulation sanguine. Il est essentiel d’immobiliser et de stabiliser le rachis cervical jusqu’à ce que l’évaluation des lésions vertébrales puisse être effectuée de manière adéquate (3).
Examen physique
Votre examen physique doit comprendre une inspection du cou et de l’épaule pour identifier toute déformation, fracture ou luxation, la palpation du rachis cervical, ainsi qu’un examen neurovasculaire détaillé. Avec le membre controlatéral comme base, un examen moteur et sensoriel complet du membre supérieur doit être effectué. Si les blessures majeures ont été exclues et que la douleur n’est pas limitante, évaluez les amplitudes du rachis cervical et des membres supérieurs sur le terrain. Tout symptôme associé aux mouvements du cou justifie une évaluation plus approfondie. Toute faiblesse lors d’une élévation du bras peut indiquer un stinger.
Souvenez-vous, bien que les stingers présentent une grande variété de symptômes, ce qui en fait un défi diagnostique, ils doivent être unilatéraux. Par conséquent, des symptômes impliquant les deux membres supérieurs (ou inférieurs) doivent vous faire penser à une lésion médullaire. Lorsque vous êtes sûr qu’il s’agit d’un stinger, vous pourrez peut-être localiser la lésion à condition que la force et les déficits sensoriels soient cohérents. Cependant, en raison de la grande variabilité anatomique intra et interindividuelle, la localisation de la lésion peut être difficile (5).
Jouer ou ne pas jouer – telle est la question
Donc, en supposant que le patient n’a pas de blessure grave mais qu’il a un stinger, le sortez-vous du terrain ? Si les symptômes ont disparu au moment où vous avez terminé votre évaluation, je pense qu’il serait juste de laisser l’athlète reprendre le jeu. Les athlètes ne devraient pas reprendre le jeu à moins qu’ils ne soient intacts sur le plan neurologique et qu’ils aient une amplitude de mouvement cervical complète et indolore (3).
Connaître l’athlète
Il est important de connaître les antécédents médicaux de votre athlète et de les évaluer de la même manière que vous le feriez pour tout autre être humain. Le plus grand facteur de risque pour un stinger est un antécédent de stinger ! Si votre athlète a une blessure, c’est à vous de savoir s’il s’agit de son premier épisode ou non. Par conséquent, vous aurez besoin de savoir combien d’épisodes précédents ils ont eu, les symptômes spécifiques et combien de temps il leur a fallu pour retrouver leurs fonctions. Il vaut également la peine d’explorer leur compréhension des stingers, car la variété des symptômes peut conduire à différentes croyances et idées à leur sujet.
Si vous souhaitez en savoir plus sur les blessures sportives à l’épaule, n’oubliez pas de consulter la brillante masterclasse du Dr Rod Whiteley sur The SportingShoulder. (Uniquement en anglais)
Conclusion :
Cela conclut la partie 1 sur les traumatismes du plexus brachial. Vous savez maintenant que ce sont des lésions nerveuses périphériques, vous connaissez les mécanismes de survenue ainsi que l’anatomie, les signes et symptômes, et comment les évaluer sur le terrain. Restez connectés pour la partie 2, sur la prise en charge de ces traumatismes.
Merci d’avoir lu et n’hésitez pas à me contacter sur les réseaux sociaux, j’aimerais connaitre votre expérience dans la gestion des stingers.
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