La thérapie manuelle : optionnelle mais souvent optimale

6 mins de lecture. Posté dans Autre
Un article de Diane Jacobs info

Je suis une kinésithérapeute à la retraite qui a utilisé la thérapie manuelle pour le traitement de la douleur durant les 30 dernières années de ma carrière de 50 ans.

Ce que j’aime dans la thérapie manuelle, c’est la façon dont elle permet de raccourcir la période de récupération post-blessure, ou la manière dont elle permet de soulager des douleurs chez des patients traînant des souffrances physiques depuis des années.

J’aime la thérapie manuelle, tout simplement. C’est la seule chose qui ait pu améliorer des douleurs physiques que j’ai moi-même eues et que je ne pouvais pas traiter seule, dont des gonalgies, une capsulite rétractile, un coup du lapin, une lombalgie et une dorsalgie haute (pas toutes en même temps, bien heureusement !).

La thérapie manuelle a longtemps été enseignée de manière procédurale, remplie de présupposés sur des changements structurels au niveau des tissus (qui ont été réfutés ; 1, 2, 3) ou sur le positionnement des articulations (réfutés également ; 4, 5), sans tenir compte de l’enseignement sur le système sensoriel ni même sur la douleur. Par conséquent, les thérapeutes manuels se considèrent généralement comme des « opérateurs » qui appliquent des techniques sur des personnes, en jouant souvent quitte ou double. Les réussites sont très agréables, mais les échecs le sont moins.

Mon projet était donc de changer cette approche de la thérapie manuelle ; je me suis efforcée à mieux conscientiser le travail de mes mains, et ainsi à sentir les choses à travers elles au lieu de les voir comme des outils ou comme quelque chose de magique. Cela incluait notamment le fait d’apprendre à mieux reconnaître les types de problèmes pouvant répondre à la thérapie manuelle, et ceux qui n’y répondraient pas. J’ai également appris que mes résultats n’étaient pas du tout dus à « moi ».

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Devenir une lectrice avide de la science de la douleur m’a aidée : j’ai appris tout ce que je pouvais à propos de la neurodynamique (6, 7, 8), du système nerveux sensoriel (9, 10), de la neurophysiologie (11) et des nerfs cutanés. Si le cerveau humain est l’objet le plus complexe de l’univers (12), il me semblait logique qu’il soit entièrement capable de s’autocorriger, mais qu’il ait parfois besoin d’un contact physique avec un autre cerveau humain, à travers le contact des mains. Peut-être le cerveau d’une personne considérant l’ensemble du système nerveux, de la cellule cutanée jusqu’à la conscience de soi (13), comme ayant besoin d’un peu plus d’informations pour pouvoir résoudre un problème en son sein.

J’ai appelé cette approche « interactive » par opposition à l’approche « opératoire » (14, 15).

Il existe un grand nombre de douleurs sur lesquelles la thérapie manuelle est incapable d’agir. Cependant, il y a un type de douleur pour lequel elle est excellente : la douleur qui est confinée à un membre ou à une région (qui ne s’étend pas) et qui change avec la position/l’utilisation ou le repos, communément appelée « mécanique » (qui, selon moi, est une simple neuropathie inflammatoire secondaire à une déformation nerveuse) (16, 17). Pour ce type de problème douloureux, la thérapie manuelle est une réponse évidente.

Par chance, il semble que ce soit le type de douleur persistante le plus courant. Je pense que c’est la raison pour laquelle il existe tant de thérapeutes manuels dans différentes professions.

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J’ai adopté des habitudes interactionnelles et physiques qui, j’en suis convaincue, ont considérablement amélioré mon taux de réussite. Voici 12 choses que j’ai établies :

  1. Supprimer toutes les idées « tissulaires » que j’avais entretenues parce que quelqu’un d’autre les avait jugées importantes.
  2. Écouter davantage et parler beaucoup moins. (18, 19)
  3. Manipuler les corps de manière totalement non nociceptive. Leur dire à l’avance que je n’allais pas leur faire mal et que si je le faisais, de me le dire tout de suite pour que je puisse ajuster ma prise ou mon angle.
  4. Manipuler de manière beaucoup plus lente, beaucoup plus légère, beaucoup plus douce, beaucoup plus réactive.
  5. Tenir beaucoup plus longtemps de manière statique la peau ou la partie du corps d’une personne dans une position qui lui permet de ne pas ressentir la douleur avec laquelle elle est venue. Créer un nouvel « espace » dans lequel se déplacer, sur le plan perceptif et sensoriel.
  6. Utiliser tout ce qui me permettait de réduire au minimum mes propres efforts physiques pendant le traitement (je suis devenue une grande fan de l’utilisation des morceaux de Dycem).
  7. Avoir un angle de contact avec la peau faible (non perpendiculaire), attendre que la « prise » se produise naturellement avant de procéder à un glissement très lent des organes cutanés en les écartant des zones douloureuses.
  8. Impliquer le patient dans son propre traitement en lui demandant de me dire ce qu’il ressent dans son corps au fur et à mesure.
  9. S’assurer qu’ils comprennent qu’ils ont un « lieu de maîtrise » sur les manipulations qu’ils ressentent et perçoivent.
  10. Leur donner la possibilité de choisir entre plusieurs options : « Quelle sensation est la plus agréable pour vous ? Si je bouge votre peau de cette façon, ou de cette autre façon ? » Leur donner le temps de choisir à l’intérieur de leur propre système nerveux. Selon moi, le fait de leur demander leur avis et de choisir les amène à concentrer leur attention et à la maintenir.
  11. Toutes ces actions visaient à leur donner l’occasion de se sentir eux-mêmes et leur perception corporelle différemment, en les encourageant à se concentrer sur ce qu’ils ressentaient de manière différente afin d’ancrer ces changements de perception dans leur esprit.
  12. Leur demander, à la fin, « Est-ce que vous avez l’impression qu’il y a plus d’espace pour vous maintenant ? ».

J’ai systématisé tout cela dans une approche totalement dépourvue de préoccupations structurelles liées aux tissus, que j’ai appelée dermoneuromodulation – peau, nerfs, changement. Ce n’est pas moi qui change quoi que ce soit, mais plutôt leur système nerveux qui se modifie lui-même via le système nerveux sensoriel, s’autocorrigeant avec un peu d’aide d’un ami (20).

Pendant une dizaine d’années, j’ai voyagé et enseigné cette approche, et maintenant d’autres l’enseignent dans différents pays du monde. J’espère qu’à sa manière, cette approche peut aider les thérapeutes manuels à avoir de meilleurs résultats.

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  • Benedetto PAPALIA

    Excellent point de vue que je partage amplement.

    Benedetto PAPALIA | 19 juillet 2023 | 'J'aime'

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