Étude de cas sur le syndrome de la bandelette ilio-tibiale : de la recherche à la pratique

9 mins de lecture. Posté dans Genou
Un article de Ashish Dev Gera info

On le sait bien, le patient aura tendance à se concentrer sur la qualité de son entrainement quand il craint que sa blessure l’empêche de courir. Le syndrome de la bandelette ilio-tibiale (ITB) est la deuxième blessure la plus fréquente chez les coureurs (après le syndrome fémoro-patellaire), représentant environ 10 % des blessures liées à la course à pied aux États-Unis (1). La douleur de l’ITB est très répandue chez les coureurs, les coureuses étant plus à risque de développer cette pathologie que les hommes.

L’étiologie du syndrome ITB n’est pas bien comprise, de nombreux kinésithérapeutes pensant encore que la douleur de l’ITB est une blessure de « frottement » due au glissement de l’ITB sur le condyle fémoral latéral provoquant douleur et inflammation. Beaucoup croient encore qu’une ITB « trop tendue » doit être étirée tandis que d’autres supposent que l’ITB doit être aplatie avec un rouleau de massage, rabotée avec des outils, et profondément massée pour être ainsi « libérée » de son enclave. Il est frustrant de voir que cette confusion a conduit à l’échec du traitement d’une importante population de patients souffrant de douleurs liées à l’ITB.

L’objectif de ce billet de blog, sous forme d’une étude de cas, est de souligner comment la recherche contemporaine a guidé et amélioré ma capacité à traiter efficacement la douleur liée à l’ITB. Cela fait un an que je suis abonné à la revue Physio Network et quelle meilleure façon de marquer le coup en rapportant comment l’une de leurs analyses intitulée « Pathologie de la bandelette ilio-tibiale : synthèse des preuves disponibles pour une amélioration en clinique », écrit par le brillant Tom Goom, m’a aidé à prendre en charge cette pathologie tenace dans le cas d’une douleur latérale du genou chez une coureuse.

 

La douleur de l’ITB : sous-étudiée et mal interprétée ?

L’ITB est difficile à déchiffrer pour les cliniciens et cela depuis longtemps. L’ITB, qui est plutôt un épaississement du fascia, est en partie musculaire, ligamentaire, tendineuse et recouvre la cuisse telle une enveloppe serrée. Une partie substantielle du muscle grand fessier s’insère sur l’ITB avec le tenseur du fascia lata (TFL). Avec des attaches au niveau du bassin et du genou, elle parcourt le fémur et s’attache fermement au condyle fémoral latéral puis continue jusqu’à la patella et s’insère sur le tubercule de Gerdy (2). Dans son analyse, Tom Goom énonce le propos suivant :

« La douleur de l’ITB est considérée comme la cause la plus fréquente de douleur latérale du genou, et pourtant c’est une pathologie mal comprise et très largement sous-étudiée ! » (3).

On pensait auparavant que la friction entraînait l’inflammation d’une bourse anatomique, mais il s’avère que cette théorie n’est pas étayée par les preuves. Il s’agirait plutôt d’une blessure par compression qu’une blessure par friction. Le tissu adipeux entre l’ITB et le fémur se comprime lorsque le genou se plie au-delà de 30 degrés (qui correspond à une ‘zone de conflit’ fonctionnelle), ce qui se produit généralement au début de la phase d’appui lors de la course (3).

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J’ai été surpris de lire à quel point cette analyse a remis en question les approches de traitement courantes dans le syndrome de l’ITB, telles que les étirements et les massages. Après l’avoir lue, j’ai décidé qu’il était grand temps pour moi de faire une croix sur les étirements et le rouleau de massage et de rechercher des interventions actives pour mettre en charge progressivement l’ITB si je voulais obtenir de meilleurs résultats cliniques pour mon patient.

Présentation de la patiente

La patiente était une femme de 38 ans avec une douleur aigüe sur la face latérale de son genou droit qui s’aggravait en descendant les escaliers à la maison. Elle a été orientée par le médecin orthopédique local avec un diagnostic de « syndrome de friction de la bandelette ilio-tibiale ». Elle a mentionné qu’elle était une coureuse passionnée et qu’elle avait terminé 3 marathons par an avant d’avoir son premier bébé. Son enfant a maintenant 2 ans et elle cherche à se remettre à courir et court sur route, car elle veut participer à un semi-marathon au début de l’année prochaine.

Elle a rapporté que la douleur avait commencé après avoir décidé de courir sur un sentier en pente pendant un week-end. Au cours des 2 semaines suivantes, elle a remarqué que la douleur s’aggravait. La douleur semblait toujours survenir après environ 3 km de course et elle avait l’impression que son genou devenait « de plus en plus serré », ce qui l’obligeait finalement à s’arrêter. Elle sentait que son genou pourrait se « casser ». Les radiographies étaient négatives.

Elle avait fait des étirements et utilisé un rouleau de massage après avoir regardé des vidéos sur Instagram et selon la prescription d’un kinésithérapeute qu’elle avait consulté avant de venir me voir. Elle a aussi reçu un massage ayurvédique qui a aggravé ses symptômes. Les tests musculaires manuels ont montré une faiblesse généralisée des abducteurs de hanche et des rotateurs externes du côté droit par rapport au côté gauche. L’analyse de la marche a montré une chute du bassin controlatérale et une adduction de la hanche. La patiente a signalé que son rétablissement était altéré en raison du stress à la maison, car elle doit s’occuper de son enfant.

À ce stade, il devenait clair pour moi que le manque de compréhension claire de la pathologie par les praticiens qu’elle avait consultés, en plus du manque d’éducation qui lui avait été donnée, avait conduit à des interventions thérapeutiques inefficaces faisant plus de mal que de bien ! Mon objectif était de fournir un programme de rééducation structuré qui s’attaquerait aux facteurs potentiels de causalité, mettrait de la charge progressivement sur l’ITB et ainsi éviter la persistance de cette pathologie.

C’est à ce moment-là que j’ai lu l’analyse de Physio Network, ce qui m’a aidé à prendre en charge cette pathologie en fournissant une approche multifactorielle avec des options de rééducation solides, plutôt qu’une simple approche locale.

L’analyse et le traitement

L’analyse de Physio Network est assez claire : elle conteste la théorie d’une « ITB trop tendue ». Elle mentionne que nous ne devrions pas ajouter plus de compression à une blessure potentiellement compressive. Par conséquent, les rouleaux de massage et les étirements sont sortis du processus de prise de décision. La philosophie directrice de traitement a évolué vers la nécessité de renforcer les capacités et la tolérance à la charge de l’ITB. L’analyse divise le programme de rééducation en phases que j’ai appliquées selon le stade de récupération et la réponse symptomatique :

 

PHASE I – La phase à « faible charge » (3x/semaine pendant 2 semaines)

Le but de cette phase était de calmer les choses. En mettant en place des charges bien tolérées, nous avons évité le déconditionnement et une poussée symptomatique. L’accent était mis sur le renforcement de la musculature de la hanche. La marche sur tapis roulant incliné a été introduite avec une inclinaison de 8 %.

Le programme de renforcement comprenait des :

  1. Abductions de hanche en décubitus latéral
  2. Clamshells en excentrique
  3. Donkey kicks (à 4 pattes, coup de pied vers le plafond)
  4. Ponts fessiers à une jambe en décubitus dorsal

 

PHASE II – Phase de charge modérée, exercices en chaîne fermée (3x/semaine pendant 2 semaines)

Je suis passé à cette phase une fois que la patiente a signalé que la douleur était significativement diminuée (2/10) en descendant les escaliers. J’ai continué avec la marche sur tapis roulant incliné en augmentant l’inclinaison à 10 % et l’exercice a été effectué jusqu’à l’échec [impossibilité de continuer].

Le programme de renforcement comprenait des :

  1. Fentes avant
  2. Montées sur step (centrées sur les fessiers)
  3. Hip hikes ipsilatérales (comme on le voit ici : https://www.youtube.com/watch?v=M88TWUyQTq8)
  4. Mini squats (passage de deux jambes à une jambe)
  5. Split squats (jambe droite placée derrière)

 

PHASE III – Phase à forte charge ; Introduction à la pliométrie (3x/semaine pendant 3 semaines)

L’objectif de cette phase était de travailler sur l’absorption de force et le stockage d’énergie, et d’augmenter la tolérance à une charge plus lourde.

Le programme de renforcement comprenait des :

  1. Goblet squats
  2. Squats sur une jambe
  3. Sauts latéraux
  4. Exercices sur échelle de sur-vitesse
  5. Drop jumps
  6. ‘Job and stops’ (courir et s’arrêter sur la jambe droite)

 

Reprise de la course

Une fois que la patiente a bien toléré les trois phases précédentes, un programme d’intervalles course/marche a été introduit. Les exercices pliométriques ont été progressivement réduits dans le programme et des indications verbales ont été données pour éviter la réduction de l’espace entre les genoux et dans le but d’augmenter la largeur des pas sur tapis roulant. Le volume de course a été augmenté progressivement (d’abord sur route plate puis en descente).

Les résultats

La patiente a indiqué que ses croyances à l’égard de la blessure avaient radicalement changé, car elle ne craignait pas constamment de se blesser à nouveau et d’avoir besoin d’étirer l’ITB. Elle a pu courir avec peu ou pas de douleur sur 8 km, 8 semaines après notre première séance ensemble. Elle parvient toujours à faire ses exercices à charge élevée régulièrement et se concentre davantage sur sa récupération et son sommeil. Lors d’un suivi à 5 mois, elle a indiqué avoir fait des courses de 15 km tous les week-ends sans douleur et qu’elle prévoyait d’incorporer des courses en côte au cours du mois prochain, augmentant son kilométrage de 10 % chaque semaine.

Conclusion :

Cette analyse de Physio Network m’a aidé à aborder une blessure déroutante avec une nouvelle perspective centrée sur le patient, progressive et efficace. J’ai été en mesure de formuler un plan d’exercices solide basé sur les preuves actuelles disponibles et j’ai réussi à assurer un retour à la course en toute sécurité pour mon patient.

Les analyses de Physio Network défient nos préjugés et nous obligent à sortir des sentiers battus. Physio Network s’efforce sans relâche d’élever la qualité des soins et de remettre en question les méthodes conventionnelles de traitement en fournissant chaque mois des revues de la littérature scientifique pertinentes et faciles à digérer pour nous aider à rester à jour et à améliorer notre pratique de kinésithérapeute.

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