Douleur de la bandelette ilio-tibiale chez le coureur, partie 2 : traitement

14 mins de lecture. Posté dans Genou
Un article de Dr Rich Willy info

Voici le deuxième volet de cette série en deux parties proposée par Rich Willy, PT, PhD sur la douleur de la bandelette ilio-tibiale (ITB). La douleur de l’ITB est courante chez le coureur, mais il existe peu de recommandations dans la littérature dans le traitement de cette blessure délicate. Dans la partie 1, nous avons discuté de l’étiologie de la douleur de l’ITB. Dans la partie 2, nous allons discuter de son traitement.

Attention : ce blog fournit une mise à jour des informations présentes dans la littérature scientifique autour du traitement de la douleur de l’ITB chez le coureur. Il ne constitue en aucun cas un traitement médical en soi. Si vous souffrez d’une douleur de genou lors de la course à pied, consultez un clinicien qualifié qui vous proposera un examen clinique et un traitement adapté.

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Figure 1 : modèle de l’homéostasie tissulaire, selon Dye 2005 et récemment mis à jour par Gabbett 2016.

Points clés: le coureur ne sera pas en capacité de reprendre la course sans une surcharge progressive pour restaurer l’enveloppe de la fonction. Surprotéger le coureur contre les contraintes va augmenter le risque de lésion itérative autant qu’une surcharge tissulaire.

Stratégie globale de rééducation chez le coureur souffrant de douleurs de l’ITB

Un programme de rééducation bien conçu pour le traitement de la douleur de l’ITB aura pour objectif de ‘surcharger’ [mettre de la charge en excès] le coureur blessé et sa bandelette ilio-tibiale afin de restaurer une tolérance aux charges spécifiques demandées par la course à pied, que l’on appelle aussi l’enveloppe de la fonction [enveloppe of function] (figure 1). (6,11) En utilisant une surcharge progressive, l’application adéquate de charges va solliciter le système pour qu’il s’adapte, sans pour autant appliquer une charge telle qu’elle provoquerait une irritation de l’ITB.

Il est probable cependant que le stress shielding [ou déviation des contraintes] provoque une blessure itérative par surcharge tissulaire, parce que le coureur ne sera pas convenablement préparé aux contraintes biomécaniques qu’il rencontrera lors de son processus de reprise de la course.(12) Comme abordé dans la partie 1(28), les cliniciens et les coureurs se doivent d’être particulièrement attentifs et ne pas tomber de le piège du stress shielding lors d’une tentative de réduction de la douleur de l’ITB.

Attendez ! Et le rouleau dans tout ça, c’est quoi son rôle dans le modèle de l’homéostasie ?

Le rouleau de massage en mousse ou foam roller est souvent prescrit dans la douleur de l’ITB. Cependant, le foam roller ne procure aucun résultat en termes de souplesse qui durent(29) plus de quelques minutes (22), et la sédation de la douleur à la suite de l’utilisation d’un foam roller est temporaire(30), probablement due à une modulation centrale temporaire de la douleur.(1) Contrairement à l’opinion populaire, les ‘adhérences’ ou le ‘ tissu myofascial’ n’est pas relâché ou segmenté par le foam roller.(3) Si l’on considère que la douleur de l’ITB est déjà une blessure de compression(31) (8), il n’est pas très logique de venir appliquer une compression supplémentaire sur la partie latérale du genou.

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Figure 2 : Les trois composantes principales des contraintes du coureur, adapté de Willy & Meira 2016.

Plutôt que d’utiliser le rouleau, cherchez à cibler les charges spécifiques de la course

Pendant une course classique, les structures anatomiques sont soumises a) à des pics élevés de charges, b) avec de hauts niveaux de stockage et de libération d’énergie, c) et cela avec un effet d’accumulation (figure 2).(26) Ces trois composantes doivent être abordées pendant la rééducation : les pics de charge sont émulés par un heavy, slow resistance training, le stockage et la libération d’énergie par des exercices en pliométrie, et l’accumulation de la charge par un programme de retour progressif à la course (figure 3).(26)

Les programmes de rééducation doivent prendre en considération que l’ITB est sous contrainte lors de la course lorsque l’adduction de la hanche augmente et la largeur des pas diminue (14,18). Le moment de force en varus du genou (entraînant un couple de force en arc vers l’extérieur) augmente au fur et à mesure que la largeur des pas se rétrécit, et augmente aussi la charge sur l’ITB. (9,17) Au final, l’ITB sert de mécanisme important de stockage et de libération d’énergie, en particulier pendant la fin de la phase d’appui lorsque l’extension de la hanche est associée à une flexion de genou en excentrique. Nous exploiterons les fonctions de l’ITB mentionnées précédemment pour réduire l’irritabilité et restaurer plus tard dans la rééducation la capacité de l’ITB.

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Figure 3 : prendre en charge chaque composante des contraintes est clé pour une rééducation réussite. Willy & Meira (2016) IJSPT.

Étapes de la rééducation de la douleur de l’ITB

La rééducation de la douleur de l’ITB est divisée en deux phases principales : a) la phase focalisée sur la douleur et b) la phase focalisée sur la charge (figure 3). Ces phases proviennent d’un travail précédent de Cook et Purdam (2009)(4) (brillamment résumé par Tom Goom, PT(32)) et Fredericson et Weir (2005).(10) Globalement, ces phases ont pour but de maximiser la charge tout en gardant une douleur de l’irritation latérale du genou plafonnée à 0-2/10 sur l’échelle visuelle analogue (EVA), soit pendant la séance ou lors du réveil le lendemain matin.

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Figure 3 : Progression générale de la rééducation chez le coureur souffrant de l’ITB

Phase focalisée sur la douleur : diminuer l’irritation sans trop sacrifier la capacité

Étape 1

La gestion de la charge pour réduire l’irritation est cruciale pendant la phase 1. La descente de marches et même la marche rapide sont souvent douloureuses dans la phase focalisée sur la douleur, le coureur cesse en conséquence de courir. Le défi consiste à réduire les charges excessives et l’irritation de l’ITB tout en maintenant la charge selon la tolérance. Globalement, la charge améliore les capacités tissulaires(33)(16) tout en jouant un rôle important dans le processus de modification de la douleur (consultez dans les références une excellente revue sur le sujet)(34).(21) Ainsi, les niveaux d’activité doivent rester le plus haut possible et nous ne devons pas nous empêcher de mettre de la charge, mais sans pour autant exacerber la douleur de l’ITB. En conséquence, la course peut être arrêtée temporairement et être remplacée par des activités exigeantes mais non irritantes.

Pendant l’étape 1, les niveaux d’activité peuvent être relativement maintenus par une marche intense sur tapis de course en pente ascendante de 8-10 %. La marche sur tapis en pente ascendante a) réduit le moment de force en varus du genou tout en augmentant la flexion du genou lors de l’attaque du pied (13) afin d’éviter la zone de conflit de l’ITB (≈ 30 degrés de flexion du genou)(7) ; et, b) réduit le stockage et la libération de l’énergie de l’ITB. Le tapis est un super outil, car il n’y a pas besoin de marcher en pente descendante, activité associée à une charge élevée en varus du genou et des demandes élevées de stockage et de libération d’énergie sur l’ITB.

Si la marche sur tapis en pente ascendante n’est pas tolérée initialement, le vélo statique est une bonne option. Cependant, le siège doit être avancé et descendu légèrement pour que le genou soit fléchi à 35 degrés environ lorsque la pédale est en bas afin d’éviter la position du genou dans la zone de conflit. Si le vélo n’est pas toléré, alors la natation est une bonne option. Cependant, le coureur doit toujours travailler dans le but de réussir à faire de la marche sur tapis en pente ascendante, même s’il ne la tolère pas initialement.

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Figure 4 : étage 1 : exercices de la bandelette sur le débattement articulaire (10×10” de maintien) pour ensuite progresser vers B) des ponts fessiers à une jambe. En progression, le coureur fera les exercices d’abduction de hanche de manière concomitante

(C-E)

Dans l’étape 1, il est mis en place des exercices progressifs afin de mettre de la charge sur l’ITB et la hanche en décharge. L’ITB reçoit de la charge tout au long de l’étape 1 avec l’exercice de Thomas, qui n’est vraiment qu’un test de Thomas utilisé comme exercice à faible charge sur le débattement de l’ITB (figure 4A). On fait ensuite évoluer l’exercice de Thomas en pont fessier sur une jambe (figure 4B). Parallèlement à l’exercice de Thomas et au pont fessier sur une jambe, du poids est ajouté sur la musculature postéro-latérale de la hanche(35) (figure 4C-E). (20) Il doit être prescrit de multiples séries de 10 contractions isométriques ou moins avec un temps de maintien et d’effort qui provoque presque l’impossibilité de continuer sur les dernières répétitions.

Phase focalisée sur la charge : étapes 2-5

La transition vers cette phase focalisée sur la charge se fait lorsque le coureur est capable de descendre les escaliers sans douleur.

Étape 2:

La progression avec l’exercice du split squat (figure 5) est le point essentiel de cette étape 2. Cette progression d’exercices met de la charge en excentrique et en concentrique sur la musculature appropriée et sur l’ITB avec un heavy, slow resistance training par répétition de 6 secondes. Le split squat combine essentiellement l’exercice du débattement de l’ITB et le renforcement isolé de la hanche de l’étape 2 en un seul et même exercice. Il est important de noter que le renforcement seul ne pourra régler les problèmes de biomécanique de la course que l’on pense liée à la douleur de l’ITB chez le coureur. (25) Il faut plutôt voir les exercices de renforcement comme des exercices de remise en charge qui amélioreront la tolérance à la charge des structures ciblées. En d’autres mots, se placer plutôt du côté du ‘plus de charges’ plutôt que du ‘fonctionnel’.

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Figure 5 : Progression du Split squat.

Point clé : le membre inférieur lésé est le membre sur la table (jambe droite). Le coureur met le plus de poids du corps possible sur le pied droit pour exercer des contraintes sur les fléchisseurs de hanche droits tout en descendant en excentrique (le corps) et en remontant en concentrique. Les répétitions sont effectuées lentement (3 secondes pour descendre, 3 secondes pour remonter). Lorsque la série est terminée, on permute les jambes et la jambe droite se retrouve devant et le poids est de nouveau mis sur la jambe droite pour cibler les extenseurs de hanche. Initialement, la table est réglée à une hauteur basse (A), puis en progression en position haute (B), et enfin avec une résistance supplémentaire comme en C et D.

Une progression type pourrait être 3 séries de split squats de 10-12 répétitions sans charge, pour aller vers une progression de 4 séries de 6-8 répétitions avec des poids en plus, avec une presque impossibilité à continuer sur les dernières répétitions. Dans l’étape 2, le split squat est effectué 3x/semaine avec la marche sur tapis en pente ascendante 3-7x/semaine. La progression du split squat est mise en place de l’étape 2 à 5, avec une progression des résistances appropriée.

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Figure 6 : pas du patineur latéraux résistés

Étape 3 :

La pliométrie est ajoutée à l’étape 3 et prolongée à l’étape 4 pour aborder les notions de stockage et de libération d’énergie de l’ITB mais sans l’aspect cumulatif de la charge lors de la course. Cette étape est courte, en général sur une semaine, et est seulement utilisée pour faire le lien entre l’étape 2 et 4, où la course sera recommencée. Des resisted lateral skaters [pas du patineur résistés] (figure 6) constituent un excellent exercice pliométrique grâce aux charges appliquées à la musculature postéro-latérale.

Étape 4 :

Un programme accéléré de course est souvent utilisé après la fin des étapes 1-3 pour réintroduire les contraintes de la course à pied d’une manière progressive.Voici un exemple gratuit en référence(36). Il est primordial pour le coureur d’aborder son retour à la course comme s’il s’agissait d’une autre forme d’exercice de remise en charge. Si le coureur voit sa course comme une manière de récupérer de la condition physique, il va souvent s’affranchir de ce processus de reprise de la course et faire trop de courses à pied trop tôt. Utilisez le crosstraining, par ex. de l’interval training sur vélo statique, pour maintenir les capacités physiques pendant le processus de reprise de la course.

Beaucoup de coureurs trouvent un certain avantage à réaliser les 2 semaines initiales de la reprise de la course avec une pente modérée de 5 % sur tapis avant de faire la transition vers l’extérieur. La course en pente descendante et le trail (qui provoqueraient une diminution de la largeur des pas) doivent absolument être évités à cette étape. L’éducation du patient est ici fondamentale, car souvent le coureur est soucieux de reprendre son entraînement complètement et peut reproduire les erreurs qui l’ont mené à sa douleur de l’ITB. La pliométrie de l’étape 3 est progressivement retirée dans la seconde ou troisième semaine. Le réentrainement à la biomécanique de la course est un excellent adjuvant pour réduire les contraintes pendant la course afin de retarder l’apparition des symptômes lors de la course. La manière la plus simple et peut être même la plus efficace est d’indiquer au patient qu’il doit augmenter sa cadence de 5-10 % ce qui permettra a) de réduire le pic d’adduction (15,24) ; b) d’augmenter la largeur des pas (2) ; c) d’avoir un genou plus fléchi lors de l’attaque du pied (23) et ainsi minimiser le temps de contrainte de l’ITB dans sa zone de conflit. Le plus important à retenir c’est qu’adopter une cadence plus élevée va réduire les contraintes et le taux de contrainte sur l’ITB.(37) (2)

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Figure 7 : Coureuse avec une douleur de l’ITB initialement (A) et avec une augmentation de la cadence de 7,5 % en choisissant sa vitesse. Notez la réduction du croisement, de l’adduction de hanche et de la chute du bassin au milieu de la phase d’appui. Une montre GPS Garmin a été utilisée comme feedback sur la cadence (C).

D’autres modifications de la manière de courir peuvent être indiquées, comme demander une réduction de l’adduction de hanche (19,27) ou d’augmenter la largeur des pas (18).

Point clé : La modification de la manière de courir doit aborder la biomécanique de course spécifique à votre coureur.

Étape 5:

À cette étape, le coureur doit continuer à augmenter ses volumes d’entraînement d’une manière raisonnable. La course en pente descendante et le trail sont graduellement ajoutés si c’est applicable au coureur. Cependant, les coureurs doivent ajouter le trail et la course en pente descendante sur des jours séparés initialement, avant de les ajouter tous les deux dans la même sortie. Au final, le coureur tirera des bénéfices au maintien d’un heavy slow resistance training avec des split squats, mais il doit progressivement les diminuer au fur et à mesure que les volumes de course augmentent.

En conclusion

En considérant les contraintes que le coureur place sur l’ITB, il est justifié d’adopter une approche active dans la rééducation de la douleur de l’ITB. Bien qu’il soit tout à fait logique de diminuer la charge dans la phase focalisée sur la douleur, il est essentiel que le coureur et le clinicien travaillent ensemble dans le but de restaurer l’entière capacité de l’ITB et du coureur par le biais d’une approche de surcharge progressive.

Cet article a été initialement posté sur le site du Dr Rich Willy. Vous pouvez cliquer ici pour en lire davantage sur ses blogs.

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